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Des prénoms, contexte légal en France

Quel prénom puis-je donner à mon enfant, que dit la loi, la réglementation, quelle est la jurisprudence sur la question ?

Des prénoms, contexte légal en France

Il est indispensable que toute personne ait au moins un prénom. L’utilité du prénom est tout d’abord de distinguer entre eux les membres d’une même famille. Le prénom présente une autre utilité : il permet d’atténuer les inconvénients de l’homonymie. Dans ce deuxième cas de figure, le prénom ne sera pas toujours suffisant, en effet, il se peut que deux personnes portent le même nom et le même prénom. C’est pour cela que les parents peuvent donner plusieurs prénoms à leurs enfants. Ceci est tout à fait recommandé en cas de nom de famille courant (source Wikipédia).


Depuis 1993, l’Article 57 du Code Civil (Titre II, chapitre), que nous reproduisons ci-dessous, a relativement assoupli la législation, et permet, en théorie, l’acceptabilité de nombreux prénoms.

Article 57 - CODE CIVIL :


L’acte de naissance énoncera le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué, ainsi que les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. Si les père et mère de l’enfant naturel, ou l’un d’eux, ne sont pas désignés à l’officier de l’état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet.

Les prénoms de l’enfant sont choisis par ses père et mère. La femme qui a demandé le secret de son identité lors de l’accouchement peut faire connaître les prénoms qu’elle souhaite voir attribuer à l’enfant. A défaut ou lorsque les parents de celui-ci ne sont pas connus, l’officier de l’état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu de nom de famille à l’enfant. L’officier de l’état civil porte immédiatement sur l’acte de naissance les prénoms choisis. Tout prénom inscrit dans l’acte de naissance peut être choisi comme prénom usuel.

Lorsque ces prénoms ou l’un deux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l’intérêt de l’enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, l’officier de l’état civil en avise sans délai le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales.

Si le juge estime que le prénom n’est pas conforme à l’intérêt de l’enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, il en ordonne la suppression sur les registres de l’état civil. Il attribue, le cas échéant, à l’enfant un autre prénom qu’il détermine lui-même à défaut par les parents d’un nouveau choix qui soit conforme aux intérêts susvisés. Mention de la décision est portée en marge des actes de l’état civil de l’enfant.


Si le choix des prénoms appartient bien aux parents, le législateur a voulu éviter que certains parents affublent leurs enfants de prénoms difficiles à porter. En effet, s’il semble à l’officier que le prénom est contraire à l’intérêt de l’enfant, il doit l’enregistrer quand même mais aviser le procureur de la République. Ce dernier peut alors saisir le juge aux affaires familiales qui statuera alors (source Wikipédia).

Pour changer de prénom , pour des questions de goût des enfants devenus adultes, ou d’étrangers ayant un prénom difficile à prononcer en français (d’après le site www.affection.org), les choses sont un peu plus compliquées et doivent suivre une procédure légale.
Le principe est l’immuabilité des prénoms. L’ordre des prénoms est immuable également. Il y a toutefois trois exceptions : en cas d’adoption plénière, en cas de naturalisation, enfin, selon l’article 60 du Code civil français « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom ». En ce qui concerne la modification de l’ordre des prénoms, elle a tantôt été admise, tantôt été refusée. Aujourd’hui, il paraît que ceci ne devrait plus pouvoir être admis au titre d’un changement de prénom. L’article 57 alinéa 2 prévoit que tout prénom inscrit dans l’acte de naissance peut être choisi comme prénom usuel.
La réglementation est basée sur différents articles, dont la loi du 6 fructidor de l’an II (sic), toujours en vigueur
 :

"Article 1 :

“Aucun citoyen ne pourra porter de nom ou de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre”.

Article 2 :

“Il est également défendu d’ajouter aucun surnom à son nom propre, à moins qu’il n’ait servi jusqu’ici à distinguer les membres d’une même famille, sans rappeler des qualifications féodales ou nobiliaires”.

Article 4 :

“Il est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l’acte de naissance ou les surnoms maintenus par l’article 2 ni d’en exprimer d’autres dans les expéditions et extraits qu’ils délivreront à l’avenir”.

Mais la loi de 1993 (article 60 à 61-4) précise :

Article 60 (Loi 93-22, 8 janvier 1993) :

“Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un incapable, à la requête de son représentant légal. L’adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée. Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis”.

Article 61 :

“Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret”.

Article 61-1 :

“Tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d’État au décret portant changement de nom dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal officiel. Un décret portant changement de nom prend effet, s’il n’y a pas eu d’opposition, à l’expiration du délai pendant lequel l’opposition est recevable ou, dans le cas contraire, après le rejet de l’opposition”.

Article 61-2 :

“Le changement de nom s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de treize ans”.

Article 61-3 :

“Tout changement de nom de l’enfant de plus de treize ans nécessite son consentement personnel lorsque ce changement ne résulte pas de l’établissement ou d’une modification d’un lien de filiation. L’établissement ou la modification du lien de filiation n’emporte cependant le changement du patronyme des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement”.

Article 61-4 :

“Mention des décisions de changement de prénoms et de nom est portée en marge des actes de l’état civil de l’intéressé et, le cas échéant, de ceux de son conjoint et de ses enfants. Les dispositions des articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de prénoms et de noms”.

Du côté de la jurisprudence :



 Prénom breton Kawrantin

 Prénom catalan Martí


L’article 57 du Code civil français prévoit qu’on peut donner n’importe quel prénom à son enfant, dans la mesure où il ne porte préjudice ni au droit des tiers ni à l’enfant. Mr et Mme Renaud ont dû, dans les années 1990, se battre en justice pour que leur fille Mégane conserve le prénom sous lequel ils l’avaient déclarée à l’état-civil, suite à une décision du procureur de la République de Nantes de demander en justice le changement de nom [citation nécessaire].
De même, le prénom breton Kawrantin (« Corentin » en français) a déclenché les foudres du procureur de la République à Nouméa qui a invoqué un nom « aux consonances barbares », mais celui-ci a été désavoué par le juge (Voir le fait divers en détail [archive] sur le site d’un expert en prénoms bretons. Le Procureur a fait appel du premier jugement, mais a été débouté une seconde fois. Mr et Mme Attard ont dû, dans les années 1990, se battre en justice pour que leur garçon Anders conserve le prénom puisque le juge le refusait, trouvant qu’il portait préjudice et qu’on rirait de ce prénom. Suite à des décisions de justice, le prénom Anders fut accepté puisqu’un autre garçon s’appelait déjà Anders en France...
(( Nous reproduisons ici une partie du site de M. Gilles du Pontavice, le jugeant important comme source d’information sur ce cas : "L’AFFAIRE KAWRANTIN (Mardi 7 Décembre 1999)
.
Le jugement de l’affaire "Mégane Renaud" a été rendu ce matin, et FR3 m’a demandé de le commenter ce midi. J’ai pensé que vous seriez intéressé par quelques précisions sur cette affaire de prénoms et sur une autre dont je m’occupe :
Pour ce qui est de Mégane Renaud, le Procureur de la République avait saisi le juge aux affaires familiales de Nantes, estimant que l’association du prénom, assez courant, avec le nom de famille "est de nature à nuire à l’intérêt de l’enfant". Apparemment, il n’y avait pas malice de la part des parents (qui n’ont pas de voiture...). Le juge a décidé que le prénom était valide, il l’est donc sous réserve d’un appel éventuel du Procureur contre la chose jugée.

Cet appel du procureur est rare. Mais c’est pourtant le cas dans une affaire dont je m’occupe : il s’agit d’un enfant dont les parents bretons sont établis en Nouvelle-Calédonie. Ils l’ont appelé Kawrantin, ce qui est le nom breton de saint Corentin, patron de Quimper et de la Cornouaille. L’état civil a alerté le Procureur de Nouméa, qui a saisi le juge. Jusque là, rien que de très normal. On ne peut reprocher au Procureur de ne pas connaître ce prénom. A l’audience, les parents ont présenté le livre que j’ai écrit avec ma femme Bleuzen "Prénoms en Bretagne". Le juge a estimé que la preuve était suffisante et a accepté le prénom, par ailleurs assez porté en Bretagne.

L’étonnant de l’affaire est que le procureur a fait appel du jugement, justifiant dans une lettre aux parents son attitude par le refus d’un prénom "aux consonnances barbares".

Les parents m’ont contacté, et je vais leur fournir une fiche d’état-civil d’un enfant enregistré comme "Kawrantin". Un légiste que j’ai consulté m’a assuré que le premier jugement serait sûrement confirmé. Il s’étonne de l’acharnement du Procureur de la République, tout en précisant que ce dernier a le droit de porter l’affaire en Cour de Cassation : ce ne serait plus alors une bataille d’arguments, mais une bataille financière où les parents ne pourraient sans doute pas suivre.

Nous tâchons donc faire revenir le Procureur de la République sur son attitude, pour que, conformément à la loi de 1993, la liberté du choix des prénoms des enfants soit accordée aux parents - s’agissant en plus ici d’un prénom traditionnel de notre territoire.

Quant à Mégane, francisation de Megan, c’est un emprunt anglo-saxon datant d’une dizaine d’années : contraction de Margaret-Ann, ce prénom a connu une grande vogue jusqu’à ce que Renault n’en profite pour vendre ses voitures, et ne fasse chuter la fréquence de ce prénom... sauf dans la famille Renaud !




Le jugement en appel du tribunal de Nouméa a été rendu en mai 2000. Le tribunal a confirmé la validité du prénom Kawrantin. Le procureur a été prié de s’occuper de choses sérieuses.
(http://du.pontavice.pagesperso-orange.fr/cal.html)




--- Jurisprudence Marti - prénom catalan --- 2001

JURISPRUDENCE MARTI

http://legimobile.fr/fr/jp/j/ca/34172/2001/11/26/01_02858/

Cour d’appel de Montpellier, du 26 novembre 2001, 01/02858

Arrêt Alain X... et Nathalie SUAREZ épouse X... c/ Monsieur Le Procureur Général Y...

FAITS ET PROCEDURE

Le 9 février 1998, naissait Marti X..., enfant légitime d’Alain X... et de Nathalie SUAREZ épouse X... Lorsque le père se présentait devant l’officier d’état civil celui-ci n’acceptait pas d’enregistrer le prénom de l’enfant suivant l’orthographe catalane, c’est à dire avec un accent aigu sur le i.

Le 4 mars 1998, les époux X... saisissaient le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN afin d’obtenir la rectification de l’acte d’état civil de leur fils, estimant que l’omission de l’accent sur le i du prénom constituait une erreur ou une omission purement matérielle.

Le 17 août 1998, le Procureur de la République répondait qu’il était dans l’impossibilité de procéder à la rectification sollicitée dans la mesure où le i avec accent aigu n’était pas un caractère de l’orthographe française.

Le 21 mars 2000, les époux X... saisissaient le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN afin d’obtenir la rectification de l’acte de l’état civil de leur fils.

Par jugement du 13 février 2001 la requête était rejetée au motif que le choix du prénom Marti n’était pas refusé par l’autorité publique mais seulement l’orthographe catalane du prénom, ce qui ne constituait pas une violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Le 28 février 2001, les époux X... interjetaient appel de cette décision.


PRETENTION DES PARTIES

Les appelants, les époux X..., sollicitent la rectification de l’orthographe du prénom de leur fils dans l’acte d’état civil afin que le prénom Marti soit orthographié selon la langue régionale catalane, à savoir avec un accent aigu sur le i. Ils précisent préalablement que la discussion ne porte pas sur la langue dans laquelle les actes d’état civil doivent être rédigés, mais sur l’orthographe d’un prénom, en l’espèce catalan, qui est par ailleurs une langue de France.

Ils se fondent sur l’article 57 alinéa 2 du Code Civil qui dispose que les prénoms de l’enfant sont choisis par ses père et mère en sorte que les parents sont libres sur le choix du prénom de leur enfant. Ils affirment également que : - ce libre choix est confirmée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui en 1996 avait déclaré que le choix du prénom de l’enfant par ses parents revêt un caractère intime et affectif, et entre donc dans la sphère privée de ces derniers par application de l’article 8 de ladite Convention. - l’article 14 de cette même convention énonce que la jouissance des droits et libertés reconnus doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur la langue, l’origine nationale ou l’appartenance à une minorité nationale. Enfin ils rappellent l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 selon laquelle d’une part l’officier de l’état civil doit inscrire le nom des personnes d’origine étrangères en respectant l’orthographe usitée dans le pays, d’autre part la jurisprudence prescrit la liberté de l’orthographe dans l’écriture des prénoms, de troisième part l’article 106 de cette instruction qui précise que " les signes diacritiques utilisés dans notre langue sont : les points, accents et cédilles " à l’égal du catalan. Pour terminer ils précisent qu’aucun texte ne nature législative ou réglementaire prescrit l’utilisation d’un alphabet français d’autant que la langue française et la langue régionale catalane utilise le même alphabet romain. Ils concluent à l’infirmation du jugement et à l’accueil de leur requête.

Monsieur le Procureur Général a conclu à la confirmation du jugement. Il se fonde sur l’article 2 alinéa 1er modifié de la Constitution du 4 octobre 1958 selon lequel la langue de la République est le français et que les actes d’état civil étant des actes authentiques établis par une autorité française, ils doivent être rédigés en langue française. Egalement il invoque la loi du 4 août 1994 n° 94-665, visée également par les appelants, selon laquelle la langue des services publics est le français. Enfin il soutient que selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel , notamment celle tirée de la décision 99-412 du 15 juin 1999 , déclarant non conforme à la Constitution, le préambule de la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires au motif que ce texte reconnaît à chaque personne un droit imprescriptible de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique vie publique à laquelle sont rattachés (par la Charte) la justice, les autorités administratives et les services publics.


MOTIFS

Attendu que selon l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale et assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine de race ou de religion ; que selon l’article 2 alinéa 1er , issu de la loi constitutionnelle 92-554 du 25 juin 1992, la langue de la République est le français ;

Attendu qu’en vertu de ces dernières dispositions, telles qu’interprétées par le juge constitutionnel, l’usage du français s’impose aux services publics qui ne peuvent employer une autre langue et, réciproquement, les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français ; qu’ainsi les actes d’état civil, actes authentiques par nature, doivent être rédigés dans cette langue ;

Attendu que si le choix du prénom est libre selon l’article 57 du Code civil, cette liberté doit s’articuler avec les principes susvisés, supérieurs, qui en restreignent l’exercice ;

Attendu qu’en l’espèce il est constant que le prénom choisi par les époux X..., à savoir Marti , avec un accent aigu sur le i, est un prénom catalan et les parents demandent qu’il soit déclaré sur les registres de l’état civil selon l’orthographe de cette langue ; qu’en effet en français le i avec un accent aigu sur le i n’existe pas ;

Attendu que, tout d’abord, il doit être précisé que s’agissant d’une langue régionale, utilisée sur le territoire de la République Française dans la vie privée ou des activités culturelles, celle-ci ne peut être imposée ni aux administrations ni aux services publics ;

Attendu qu’ensuite la transcription du prénom choisi par les parents doit être conforme à l’alphabet romain et à la structure fondamentale de la langue française ; que ne peuvent être autorisées des signes diacritiques (points , accents et cédilles) qui n’existent pas dans la langue française, ou des signes que l’usage le plus communément répandu prohibe, ou encore des altérations ;

Attendu qu’enfin il convient de noter que l’officier de l’Etat Civil a accepté le prénom Marti, écrit selon les usages de la langue française, en sorte que le choix des parents a bien été respecté mais dans les limites des principes susrapelés ;

Attendu que, dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la requête ; Vu l’article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS LA COUR, Confirme le jugement déféré, Condamne Alain X... et Nathalie Suarez son épouse aux dépens.


LE GREFFIER

LE PRESIDENT

Affaire qui eut une suite au niveau européen

http://www.courdecassation.fr/IMG/File/veille%20bimestrielle%2021%20septembre%20octobre%202008%20internet_wpd.pdf

Alain Baylac-Ferrer et Nathalie Suarez contre la France
Décision sur la recevabilité

25 septembre 2008

 req. n/ 27977/04 -

 article 8 (droit à la protection de la vie privée et de la vie familiale) et article 14 (interdiction des discriminations) combiné à l’article 8 de la Convention -

Faits :

En février 1998, les requérants ont eu un enfant qu’ils souhaitaient prénommer Martí, prénom d’origine catalane. L’officier d’état civil refusa d’orthographier le prénom avec l’accent aigu sur le i. Le procureur de la République, saisi d’une demande en rectification de l’acte d’état civil, rejeta la requête des parents au motif que le i avec accent aigu n’était « pas un caractère de l’orthographe française ». Les requérants saisirent ensuite pour les mêmes raisons le tribunal de grande instance. Déboutés de leur demande, ils firent appel de la décision. A cette occasion, ils invoquèrent une violation des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Leur recours fut rejeté le 26 novembre 2001. Ils formèrent alors un pourvoi en cassation mais celui-ci fut déclaré non admis le 2 mars 2004.

Griefs :

Devant la Cour européenne, les requérants invoquaient une violation de l’article 8 de la Convention (droit à la protection de la vie privée et de la vie familiale) ainsi que de l’article 14
(interdiction des discriminations) combiné à l’article 8 de la Convention..

Décision :

La Cour précise en premier lieu que “la liberté linguistique ne figure pas, en tant que tel, parmi les matières régies par la Convention et celle-ci ne garantit pas le droit d’utiliser une langue déterminée dans les rapports avec les autorités publiques (...)”. Par ailleurs, elle affirme qu’en la matière, en raison de l’absence totale de consensus entre les Etats membres, ceux-ci disposent d’une marge ’appréciation particulièrement large. Aussi ne pensent-ils “pas devoir examiner le refus des autorités françaises à la lumière des obligations positives de l’Etat”.

En l’espèce, les juges de Strasbourg ajoutent que la langue française est la langue officielle de la République française et que “la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution a suscité de vifs débats pendant de nombreuses années. Force est ainsi de constater que le système constitutionnel, tel qu’il existait à l’époque des faits, ne permettait pas la reconnaissance des langues régionales à part entière dans la sphère publique”.
Après avoir constaté d’une part que la différence de graphie du prénom de l’enfant est minime, puisqu’elle ne porte que sur l’accent, d’autre part qu’elle ne semble pas présenter un obstacle à l’identification personnelle de l’enfant et enfin la possibilité ouverte par l’article 60 du code civil de demander le changement du prénom de l’enfant, la Cour conclut qu’il n’y a eu aucun manquement au respect de la vie privée et familiale des requérants sous l’angle de l’article 8 de la Convention et elle rejette le grief comme manifestement mal fondé.
Concernant la violation invoquée de l’article 14 de la Convention combinée à l’article 8, la Cour expose que les requérants s’estiment victimes d’une discrimination fondée sur leur appartenance à une minorité nationale et qu’ils fournissent à l’appui de leur demande un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Perpignan ordonnant la rectification d’un prénom selon l’orthographe catalane. Cependant, les juges européens ne s’estiment pas convaincus de la similitude des situations le jugement présenté s’appliquant à des personnes adultes désireuses de changer de prénom et non aux parents choisissant le prénom de leur enfant à la naissance.

Quoiqu’il en soit, la Cour considère que “la justification avancée par le Gouvernement, à savoir l’unité linguistique dans les relations avec l’administration et les services publics, s’impose pour le moment et s’avère objective et raisonnable”. Elle rejette dès lors ce grief comme manifestement mal fondé et déclare à l’unanimité la requête irrecevable.